Leurs enfants après eux

par | 23 Fév 2023 | Chroniques littéraires, Chroniques littéraires-ENTETE, Roman

Est de la France, endroit un peu perdu entre banlieue bétonnée, zone pavillonnaire et campagne profonde. C’est l’été 1992, il fait chaud et on s’ennuie. Anthony, un adolescent de 14 ans, découvre les premières frustrations, les premiers émois amoureux et les claques de l’existence. Il pose un regard sur le monde et en particulier sur son tissu familial. Le roman est écrit en 4 temps, été 1992, puis été 1994, 1996 et enfin été 1998. Ce choix de temporalité permet de sentir l’évolution rapide à cet âge et que notre rapport au temps est totalement différent selon les vies et les époques.

Nicolas Mathieu nous parle également de cette France d’entre-deux et de sa difficulté à trouver sa voix, un sens à la vie. L’amour est souvent la réponse à bien des maux, ou l’alcool ou les deux pour certains parce que finalement qu’est-ce qu’on connaît vraiment à l’amour ? Dans cette France-là, on se met en couple jeune, on fait des enfants jeune et puis on finit par se déchirer parce qu’on ne se comprend plus ou peu, parce qu’on ne se connaît pas soi-même. Comment continuer à vivre ensemble ? Quand les aspirations ne sont plus les mêmes, quand les filles deviennent des mères et que les hommes délaissés se retrouvent prisonniers de cette vie faite par dépit. Et c’est le cercle vicieux qu’on reproduit, par mimétisme, parce qu’on ne connaît que cela, parce que c’est plus simple. Dans cette France-là, les femmes s’en sortent mieux que les hommes. Ceux-là mêmes qui travaillent parfois depuis l’âge de 13 ou 14 ans et qui, du jour au lendemain, à la moitié de leur vie, découvrent le chômage. Eux, ces hommes de force, de courage à qui l’on enlève leur raison d’être, leur rôle, leur place.
Dans cette France-là, on est racistes. Parce qu’il faut bien un bouc émissaire et que le plus simple est de penser que le problème vient de l’étranger, de celui qu’on ne connaît pas, de celui qui est différent et pourtant. L’étranger est aussi au chômage et débat de ces sujets au bar du coin comme tout le monde. « Mais toi, c’est pas pareil », cette sempiternelle phrase odieuse, qui ne veut rien dire et qui montre à elle seule l’étroitesse d’esprit de celui qui la prononce. Malgré cela, on s’attache à tous ces gens, quels qu’ils soient parce que Nicolas Mathieu réussit avec force à tirer le fil de chaque personnage, de leur psychologie, de leur histoire qui leur confèrent à tous, des circonstances atténuantes.

C’est un très beau roman social, poignant, dur, vrai. On le lit comme on découvrirait un tableau.

Présentation audio, extrait de Voyage au bout du livre (Mai 2021)

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