Le jour où j’ai écrit sur l’art et la manière de ne rien dire.

par | 12 Mar 2023 | Mes petites histoires, Mes petites histoires-ENTETE

Madame Dubois et Madame Martin habitent le même immeuble depuis 15 ans.

— Bonjour, M’dame Dubois, comment ça va ce matin ?
—On fait aller, Madame Martin, on fait aller.
—Il fait pas chaud aujourd’hui.
—A qui le dites-vous !
—C’est surtout l’humidité.
—Ah oui l’humidité c’est embêtant
—On ne peut rien faire !
—Vous avez raison.
—Un froid sec, on se couvre bien et on peut sortir.
—Mais que voulez-vous faire avec une pluie pareille ?
—Oui un bon froid sec c’est beaucoup mieux.
—Ils ont dit encore quinze jours comme ça !
—On va pas s’en sortir.
—Et on n’a pas demandé à y entrer !

Les deux protagonistes rient. Parce que c’est drôle.

—Cela dit, on est jamais content de ce qu’on a.
—Cet été on se plaignait de la chaleur et maintenant on se plaint de la pluie !
—Oui ça n’arrête jamais.
—Et les jours où il n’y a rien à dire, on ne dit rien non plus.
—Vous avez raison.
—Qu’est-ce qu’on dirait s’il n’y avait rien à dire ?
—Rien.
—Voilà ! C’est bien ce que je dis ! Vous voyez ?
—Oui je vois.
—Ils annoncent quand même un été moins chaud que l’année dernière.
—Oui j’ai entendu dire.
—Moi je dis, tant que les Saintes glaces sont pas passées, on peut pas vraiment savoir.
—Ce n’est pas les Saints de glaces plutôt ?
—Oui, c’est ce que j’ai dit.
—Ah…
—Oui, donc tant que c’est pas passé, on peut pas savoir.
—Ah oui, non, on peut pas savoir.
—Ils disent, ils disent, mais qu’est-ce qu’ils en savent vraiment ?
—C’est qu’ils se trompent un coup sur deux en plus !
—Oui et personne dit rien !
—Oui, malgré ça on continue à écouter.
—Moi ça m’arrangerait mieux qu’il ne fasse pas trop chaud.
—Oui moi aussi.
—Mais qu’il fasse beau quand même !
—Ah oui bien sûr !
—Qu’on est l’impression d’être en été tout de même.
—Oui et puis on a besoin de soleil.
—Oui, c’est bon pour la santé, ça aussi ils le disent.
—Oui c’est bon.
—Et la lumière aussi !
—Ah oui la lumière c’est important.
—On déprime dans le noir.
—Oui.
—Moi quand ça va mal, j’allume la lumière.
—Vous avez raison, ça change tout.
—A qui le dites-vous, au rez-de-chaussée on n’y voit pas grand-chose !
—Oui, c’est sombre.
—Oui voilà .
—Au 4e c’est mieux, mais faut pas que l’ascenseur tombe en panne.
—Oui, sinon on est coincés.
—Oui, aussi.
—Tiens, le voilà qui arrive votre ascenseur.
—Oui, c’est pratique tout de même.
—Vous avez raison.
—Allez, bonne journée Madame Martin.
—Bonne journée M’dame Dubois.

Laurent et Magalie, à une soirée d’anniversaire d’amis communs, se retrouvent malgré eux, côte à côte.

—C’est sympa.
—Oui, l’idée est vraiment bien.
—Oui, il fallait y penser.
—Oui, c’est sûr.
—Je vais garder l’idée.
—Oui, c’est pas mal.
—Oui, c’est original.
—Oui, les gens ne s’y attendent pas en plus.
—Oui, c’est ça qui est bien.
—Oui voilà, c’est ça qui est bien.
—Oui franchement il n’y a rien à dire.
—Ah oui, rien à dire.
—Plus qu’à profiter.
—Oui voilà.
—Et le choix des couleurs, c’est très bien.
—Oui, aussi.
—Non vraiment, rien à dire.
—Oui voilà, rien à dire.
—Et le menu, très original aussi, le menu.
—Oui, le menu est sympa.
—Oui, sympa.
—Oui.
—J’ai hâte de goûter.
—Oui, moi aussi.
—On va se régaler.
—Oui je pense.
—Ça va être une explosion des papilles.
—Carrément.
—À quelle heure est prévu le dîner justement ?
—Je ne sais pas.
—Oui moi non plus.
—Oui, je me doute.
—Profitons alors, nous verrons bien.
—Oui, profitons.
—L’air est doux en plus.
—Oui, il fait très bon ce soir.
—Oui c’est agréable.
—Oui.

Le téléphone de Magalie sonne et met fin à cette conversation éloquente.

Sylvain, lundi matin, face à son équipe


Il faut rester concentré sur nos objectifs. Tant que nos objectifs seront atteints, nous serons dans la moyenne et la moyenne est un bon indicateur pour savoir que nous sommes dans la moyenne. Nous ne devons jamais perdre de vue nos objectifs au risque que nos objectifs nous perdent de vue. Regarder dans la bonne direction et le meilleur moyen pour ne pas se perdre et regarder ensemble dans la même bonne direction est le meilleur moyen d’aller encore plus loin, plus vite et plus haut. La force d’une équipe réside dans les valeurs communes et la mutualité des échanges. Restons donc focus sur les brainstormings du lundi, du mardi, du mercredi, du jeudi et du vendredi, c’est primordial. Les autres jours sont moins importants. Les débriefings hebdomadaires et les briefings journaliers doivent être orientés dans le but de maintenir le cap et la pérennité des rapports. Les chiffres parlent d’eux-mêmes et il n’est pas nécessaire de revenir dessus tant ils parlent d’eux-mêmes. Mais 100 % de réussite ne signifie pas que nous avons réussi, 100 % de réussite signifie que nous pouvons aller encore plus loin, car après 100 %, qui y’a-t-il ? Il y a d’autres chiffres. La réalité ne s’arrête pas à 100%, ce serait limitant. Nous reviendrons sur les limites limitantes lors de notre prochain meeting de 11h, à savoir dans 1h, à savoir dans 60 minutes. Les commerciaux doivent accès leurs efforts sur les ventes, être pro acteur et pro réacteur sur les besoins de nos clients. Nos commerciaux doivent savoir mieux que nos clients, ce que nos clients veulent. Ils doivent être en avance sur leur temps et force de proposition pour anticiper les besoins, car nos clients ne savent pas toujours ce dont ils ont besoin, nous, si. Le temps doit être optimisé afin de gagner en efficacité. Nous reparlerons de la gestion du temps et de sa rentabilité lors de la réunion de 12h, après celle des limites limitantes. Gardons à l’esprit que nous voulons tous gravir le sommet de cette montagne rémunératrice et génératrice de PIB et de PNB. Descendre cette montagne signifierait une baisse des primes et intéressements avec pour conséquence une répercussion directe sur la rentabilité des salaires. Nous ne voulons pas descendre cette montagne, parce que redescendre serait un échec et l’échec n’est pas permis, l’échec n’est même pas pensable. L’échec n’est pas l’affaire des gagnants. L’essentiel à retenir est que nous sommes une grande famille et dans les familles il y a de l’entraide, les plus forts doivent accompagner les plus faibles à reprendre confiance en eux afin de les tirer vers le haut et d’éviter qu’ils restent en bas, sur le côté. Nous ne souhaitons pas que les gens soient sur le côté. Nous sommes une équipe, soudée.
Si vous n’avez pas de questions, vous pouvez ne pas les poser maintenant. Merci, bonne journée et à tout à l’heure pour le briefing du débriefing des brainstormings.

Discussion un lundi matin à l’arrêt de bus entre Théo et Yassine, en partance pour le collège.

—Ça va gros ?
—Ouais gros et toi gros ?
—Bien gros.
—T’as fait quoi ce week-end gros ?
—Rien, t’as vu gros et toi gros ?
—Moi j’ai fait un truc de ouf samedi avec mon daron gros.
—Ah ouais ?
—Ouais gros.
—Vas-y raconte gros.
—Bah d’jà t’as vu samedi j’ai dormi tard t’as vu.
—Ouais grave.
—Parce que j’étais mort t’as vu.
—Ouais, pareil.
—Mon daron, ce fou, tu sais pas il fait quoi ?
—Nan, vas-y.
—T’as vu il fait quoi, il rentre dans ma chambre, tranquille, à l’aise le mec t’as vu.
—Ils croivent trop c’est chez eux.
—Grave ! Et mon daron il me réveille, comme ça, à midi !
—Naaaaan, rolalala, le fou !
—Mais grave, de ouf !
—T’as fait quoi gros ?
—Bah t’as vu j’ai pété un câble.
—Normal.
—Après, y m’dit « ouais, euh », des trucs, ché pas quoi.
—Il t’a embrouillé gros.
—Ouais, y m’dit « vas-y, viens, tu vas voir »
—Olala et t’as fait quoi ?
—Bah j’ai dit ouais je vais voir t’as vu.
—Ouais normal.
—Mais quand même j’étais vénère.
—Mais normal gros.
—Parce que t’as vu pour que mon daron y m’réveille comme ça, c’est que bon, voilà, t’as vu.
—Ouais grave.
—Donc moi je me lève t’as vu. J’arrive, comme ça et je vois y’a rien.
—Naaan ?
—Je m’dis, vas y c’est quoi ces bails de tu réveilles les gens et y’a rien ?
—J’aurais pété les plombs !
—Attends, frère c’est pas fini !
—Ouais, vas-y, j’t’écoute gros.
—Je prends mon ptit dej, normal.
—Ouais normal.
—Façon moi si je manges pas, tu peux m’dire c’que tu veux, j’entends R.
—Pareil.
—Je mange tranquille, des céréales, t’as vu, tranquille, normal quoi, t’as vu.
—Ouais de ouf, moi pareil.
—Bah ouais, normal gros.
—Et après ?
—Bah il me dit pas « vas-y, viens on va faire du ménage ».
—T’es sérieux gros ?
—Sur la tête de ma mère que je suis sérieux !
—Putain il est ouf ton daron !
—Grave !
—Et alors t’as fait le ménage ?
—Olala, attends gros, c’est pas fini l’histoire…

Bintou fait son apparition. C’est la plus belle fille du collège et nos deux protagonistes arrêtent de parler pour la regarder être belle à attendre le bus.

—Pourquoi vous arrêtez de parler ?
—Nan, on arrête pas de parler, t’as vu, on est là
—Ouais on disait rien en vrai en plus

Le bus arrive et entraîne nos protagonistes.


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